Lorsque Bordeaux et les Côtes du Rhône se rencontrent.


Portrait – Paso Robles – Californie – Etats-Unis
Lorsque Bordeaux et les Côtes du Rhône se rencontrent.

Curriculum Vinum :
- L'aventure Estate. Stéphane Asseo, propriétaire-récoltant. 25 hectares de vignes.
- Cépages : Syrah, Cabernet-Sauvignon, Petit Verdot, Grenache, Mourvèdre, Roussane, Viognier.
- Age des vignes : de 7 à 13 ans. Entre 20 et 30 hl/ha. Vendange en Novembre. En biodynamie.
- Maladies : peu. Oïdium, traitement au soufre avec parcimonie (4-5 par an)
- Sols : des sols complexes et différents sur de petites parcelles.
- Climat : Des journées chaudes et des nuits froides, une amplitude thermique importante permettant un long cycle végétatif. Une pluviométrie faible, un courant d'air froid et océanique.
- Gammes : Trois rouges, un blanc et un rosé.
- Canaux de distribution : Cavistes, particuliers, exportation. Production : dépend des années entre 60'000 et 100'000 bouteilles par an. Entre 25 et 85 $ la bouteille.



Par Fabien Duvergey, Paso Robles, Californie, Etats-Unis.
Vendre son domaine dans le Bordelais pour acheter un terrain en Californie, dans les années quatre-vingt dix, il fallait être courageux. A la rencontre de Stéphane Asseo, un vigneron-aventurier.
« De la haute couture », tel est la définition de Stéphane Asséo pour parler de ses vins et de l'entretien de ses vignes. Cela pourrait s'apparenter à un bon mot pour communiquer sur son vin, mais lorsque l'on suit Stéphane sur son domaine de 25 hectares, on reconnaît un vigneron près de son vignoble, près de ses vignes, il en connaît le moindre détail, la moindre subtilité. Cette relation fusionnelle se retrouve dans son vin, connu et reconnu. Pour l'anecdote, quasiment chaque année le célèbre critique américain Robert Parker note son vin au-dessus des 92 points, obtenant même un 98 en 2004. Note parfois supérieure aux premiers grands crus bordelais. 
Pourtant, l'aventure fut longue et parsemée d’embûches. Rétrospective sur un vigneron pas comme les autres.


Itinéraire d’un vigneron aventurier.
Stéphane Asseo est né à Paris, mais est rapidement attiré par le monde rural. Défiant la culture familiale, aucun parent ne travaillant dans le monde agricole, il s'engage dans le domaine viticole en commençant un Brevet de Technicien Agricole (BTA) viti-oenologique, mais s’arrête avant de le terminer.
Il préfère travailler directement dans les proporiétés. Vagabond et mobile, il trouve une place de stagiaire dans plusieurs domaines, notamment en Bourgogne puis dans la Loire. Mais on l’exploite, “à l’époque c’était quasiment de l’esclavage, je travaillais longtemps pour un sou” se souvient-il. Il décide alors de poursuivre ce BTA entrepris quelques mois plus tôt, à Davayé dans le Mâconnais.
Cet aventurier a des envies d’ailleurs, de terres lointaines, et décide de partir à 20 ans dans cette France du bout du monde, en Polynésie française. Il débarque sur les îles Marquises, connues pour être réservées aux autochtones; très peu de métropolitains s’y implantent, même encore aujourd’hui. Il vit de sa pêche.
En 1982, alors qu’il est âgé de 23 ans, un appel change sa vie. Ses parents voulant quitter Paris pour Bordeaux, repèrent un domaine abandonné: le domaine de Courteillac en Bordelais, au sud de Saint-Emilion, en Entre-deux-Mers, et ils lui proposent de venir “juste jeter un coup d’œil, et puis éventuellement en devenir le régisseur”.
Il rentre à Bordeaux et le coup de foudre se produit, au bonheur de ses parents. Tout est à faire, tout est à créer. Le challenge est énorme, il accepte et l’achète en s’endettant auprès des banques.
Jouer dans la cour des grands
Le domaine de Courteillac devient son domaine, celui de ses essais, de ses experimentations. Il a 25 hectares et une volonté, “produire un vin de terroir”. Avec déjà une solide expérience, Stéphane a encore beaucoup à apprendre. Il se crée de fortes amitiés à Bordeaux, apprend chaque jour. Lorsque le travail est un peu moins contraignant, il voyage: Liban, Espagne, Afrique du Sud. Il va à la rencontre des producteurs afin de nourrir sa soif de découverte et d’aventure.
En dix-sept ans, il crée un vignoble, ayant sa place sur la carte bordelaise, un vin apprécié des plus grands, et à des prix raisonnables. Il accumule médailles et belles critiques.
Mais en réalisant son pari bordelais, Stéphane a envie d’un nouveau défi. Accompagné de sa femme et de ses trois enfants, il décide de vendre son domaine à son ami Dominique Méneret, négociant à Bordeaux.
Une page se tourne mais une nouvelle s’ouvre sur l’étranger, et une obnubilation lui est chevillée au corps: réaliser un grand vin. Stéphane se met alors dans la peau d’un chasseur de terroir. Persuadé qu’un grand terroir n’est pas un apanage français, il voyage aux quatre coins du globe avec ses trois critères tant professionnels que privés: être propriétaire d’un grand terroir, où il y a un débouché sur le marché local pour la vente de ses vins et enfin un endroit propice à l’éducation de ses enfants.
Le Chili, l’Argentine, l’Afrique du sud sont envisagés, mais ce sera en Californie où il posera ses valises. Les fameuses vallées jumelles de la Napa et de la Sonoma ne lui plaisent pas et sont beaucoup trop chères en ce début des années 90.
“L’Aventure”, l’euphémisme du rêve américain!
Entre San Francisco et Los Angeles, la localité de Paso Robles est encore inconnue sur la carte des vignobles américains. Stéphane tombe amoureux d’un petit vallon où l’amplitude thermique y est importante entre le jour et la nuit, le courant océanique amène de la fraîcheur au vin, et les prélèvements de terres sont concluants. Tout est prêt pour commencer l’aventure américaine de Stéphane Asséo dans ce paradis perdu.
Il achète cette terre vierge en 1997 et emménage avec sa famille en 1998 dans un mobile-home. Il effectue sa première plantation de Syrah et de Cabernet. Son but est de faire rencontrer les cépages de la vallée du Rhône et de Bordeaux. Un de ses proches amis, un certain Michel Rolland lui conseille de planter du Petit Verdot qui selon lui, correspond parfaitement à son terroir.
Mais le succès n’est pas au rendez-vous entre 1999 et 2002. Etre un bon vigneron est une chose, être un bon vendeur en est une autre. “Jusqu’en 2001 c’était très difficile, j’ai même envisagé de mettre la clé sous la porte et de rentrer en France. Je ne connaissais pas les règles pour vendre mon vin aux Etats-Unis. Je n’avais pas de salle de dégustation, pas de stratégie marketing” reconnait-il avec le recul. Mais il croit en sa réussite, la qualité étant au rendez-vous, toujours accompagné du soutien de sa famille. Ce qui produit le déclic, c’est l’arrivée de nouveaux capitaux provenant de Dominique Ménèret, à qui Stéphane avait vendu son domaine bordelais. Ils s’associent et décident d’engager un directeur marketing, et de créer une salle de dégustation. Cette stratégie s’avère payante, et le succès des ventes arrive.
Comme une réussite n’arrive jamais seule, les médailles et notes sont meilleures d’année en année. Paso Robles attire de plus en plus de vignerons. “Il y a un vrai partage de savoir-faire ici, pas de concurrence déloyale, tout est fait pour améliorer la visibilité des vins de Paso Robles. Je pense que l’aspect primordial est de faire un vin de son terroir et non un vin de sa région” dit-il. Aujourd’hui le succès est complet, et Stéphane est devenu une référence dans le vin américain.  Son vin est exceptionnel, un vrai chef-d’œuvre, une réussite subtile, bref un grand vin, son grand vin.
A quand la prochaine Aventure ?

Plus d'informations (et certaines des ces photos) sur :
www.aventurewine.com